Collaborez, qu’ils disaient…

Manuel d'incivilités

Le mer­cre­di 19 avril 2006, Roger, né le 4 mai 1975 à Kin­shasa (Con­go), se rend à la Pré­fec­ture de Chartres. Vivant en France depuis févri­er 2003 mais « sans-papiers », il vient com­pléter son dossier, et deman­der un récépis­sé de sa requête auprès de la Com­mis­sion des Recours aux Réfugiés (dépen­dante de l’Office Français de Pro­tec­tion des Réfugiés et Apa­trides — OFPRA), comme il l’a déjà fait maintes fois aupar­a­vant. L’administration pré­fec­torale, pré­tex­tant des doc­u­ments man­quants, lui demande alors, non sans arrières pen­sées, de revenir le lendemain…

Collaborez, qu'ils disaient... Roger Sivi Nkayilu - TGI de Chartres (21 avril 2006)
Roger Sivi Nkay­ilu — TGI de Chartres (21 avril 2006)

Jeu­di 20 avril : Roger, pour­tant sous le coup d’un Arrêté de Recon­duite à la Fron­tière (APRF) datant du 8 mars 2006, retourne comme con­venu, à la Pré­fec­ture où il pense pou­voir effectuer enfin ses démarch­es. Las, il est alors arrêté, menot­té et embar­qué au com­mis­sari­at de police de Chartres. Il passera la nuit en cellule…

Ven­dre­di 21 avril 2006, 14 heures : épi­logue douloureux et peu glo­rieux pour l’image de la France… Roger est con­vo­qué au Tri­bunal de Grande Instance de Chartres, afin que le Juge des Lib­ertés et de la Déten­tion stat­ue sur la pro­lon­ga­tion de sa mise en réten­tion admin­is­tra­tive. Après avoir écouté les par­ties en présence, et sous le regard atten­tif d’une quin­zaine de mil­i­tants du « Col­lec­tif 28 pour la régu­lar­i­sa­tion des sans-papiers » venus le soutenir, le Juge des Lib­ertés et de la Déten­tion du Tri­bunal de Chartres rap­pelle à Roger le cadre de ses com­pé­tences et l’obligation de ne pas out­repass­er son rôle. Regret­tant à demi-mot de ne pou­voir sus­pendre l’Arrêté de Recon­duite à la Fron­tière (1), il con­state que les con­di­tions d’une assig­na­tion à rési­dence ne sont pas réu­nies. Le ver­dict tombe : ce sera une pro­lon­ga­tion de la mesure de réten­tion. Roger est menot­té et emmené sous escorte poli­cière au cen­tre de rétention.

Collaborez, qu’ils disaient…

La Pré­fec­ture de Chartres par­ticipe de ce fait, et avec un zèle peu com­mun qu’on eut aimé voir se man­i­fester en d’autres occa­sions, à l’objectif affiché du Gou­verne­ment : expulser 25000 étrangers « en sit­u­a­tion irrégulière » d’ici la fin de l’année. En mars, le « quo­ta men­su­el » était atteint, puisque 2000 per­son­nes ont été ren­voyées vers leur pays d’origine. Ain­si, per­ni­cieuse­ment, on cueille les deman­deurs d’asile pen­dant leurs démarch­es auprès des admin­is­tra­tions pour régu­laris­er leur sit­u­a­tion, et l’on pré­texte ensuite l’irrégularité de leur sit­u­a­tion pour expulser des hommes, des femmes et des enfants, sans qu’à aucun moment les caus­es et con­di­tions de leur séjour en France ne soient évo­quées. Se borner à l’aspect admin­is­tratif, c’est s’éviter de douloureux cas de con­science… Cer­tains en dor­ment peut-être mieux la nuit, d’autres passent leurs nuits au Mes­nil-Amelot, nom poé­tique pour désign­er les baraque­ments du cen­tre de réten­tion de Rois­sy, où le con­cept « d’immigration choisie », cher à notre lep­énisant Min­istre de l’Intérieur, prend tout son sens…

(1) « Parce que les arrêtés de recon­duite à la fron­tière sont des déci­sions admin­is­tra­tives, leur con­tes­ta­tion con­duit à saisir le tri­bunal admin­is­tratif. » (Extrait de la présen­ta­tion de l’ouvrage con­sacré au con­tentieux de la recon­duite à la fron­tière inti­t­ulé « Le Vade-Mecum du 22bis », co-édité par la Cimade et l’Ordre des Avo­cats de Paris (juin 2004 — 56 pages — 15€).

Pour pour­suiv­re la réflex­ion quelques liens :

 — Sur les mis­sions et les moyens de l’OFPRA : https://ofpra.gouv.fr/fr/l‑ofpra/presentation-generale
 — Sur l’aide aux réfugiés et apa­trides : http://www.lacimade.org/publication/
 — Sur la sit­u­a­tion au Rwan­da et au Congo :

Le géno­cide rwandais : com­ment il a été pré­paré. Une note d’information de Human Rights Watch Ce doc­u­ment s’appuie sur des doc­u­ments non pub­liés pour expos­er la façon dont le sys­tème d’extermination a été plan­i­fié au cours des mois précé­dant le début du géno­cide, cela fera 12 ans cette semaine (07 avril 2006).

L’UE doit égale­ment rétablir les struc­tures de l’Etat de droit au Con­go. Pub­lié dans Der Tagesspiegel (30 mars 2006). Alors que les organ­i­sa­tions con­go­lais­es pour la défense des droits de l’homme se réjouis­sent de l’arrivée immi­nente d’un con­tin­gent de l’UE en prévi­sion des élec­tions, elles red­outent égale­ment et à juste titre un scé­nario d’horreur : que les sol­dats européens ne pro­tè­gent que les Européens vivant à Kin­shasa con­tre d’éventuelles vio­lences (30 mars 2006).

Précédem­ment pub­lié sur Pétales de Vent et dans L’Aiguillon.


Auteur/autrice : Lafontanelle

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