Michel Lis, le plus célèbre jardinier de France, vit en Poitou-Charentes. Il termine l’écriture d’un livre, le Diable dans le prunier, qui sortira prochainement. Il tient une chronique radio sur France Bleue La Rochelle sur les traditions et coutumes autour des plantes. Nous l’avons rencontré à la Foire de Printemps de La Garde, dans le Var, où il revient chaque année comme invité d’honneur. Témoignage.
- Sur le plan du jardinage, la Touraine est un lieu privilégié ?
Michel Lis : Bien sûr. C’est un des jardins de la France. Les Rois n’étaient pas fous. S’ils sont venus construire leurs châteaux entre Tours, Blois et Orléans, ce n’est pas pour rien. C’était d’abord une question de douceur du climat. Rabelais et Du Bellay ont chanté la douceur de vivre de la Touraine et de l’Anjou. Tout se passe en douceur aussi dans les jardins de Touraine, lieu privilégié s’il en est.
- Avez-vous constaté dans les jardins des effets du fameux réchauffement climatique ?
M.L. : Oui. Par exemple, à travers la progression d’un parasite, le papillon du géranium, autrefois limité à la zone méditerranéenne et que l’on trouve aujourd’hui jusqu’à Lyon. Il y a un article dans Rustica sur le sujet. La température s’adoucit incontestablement. Cela n’a pas que des effets négatifs mais des espèces risquent de devenir envahissantes. On connaît comment l’algue tueuse, la coleptera taxifolia a été rejetée à Monaco en Méditerranée. Elle était considérée comme une algue qui ne pourrait s’adapter à des eaux trop froides pour elle. Elle s’est tellement adaptée qu’on a du mal à s’en débarrasser et que les posidonies sont ravagées, les posidonies étant l’espèce locale qui sert de berceau essentiel pour les poissons et les crustacés.
- Quelles vont être les conséquences de cet hiver particulièrement doux ?
M.L. : Il n’y a presque pas eu d’hiver. Les plantes s’adaptent mais cela va les fatiguer beaucoup. Le mimosa, originaire d’Australie, pousse en février ici parce qu’il fleurit à l’heure australienne. Le souci n°1 du jardinier, c’est de sauvegarder la diversité et la multiplicité des espèces. Il faut faire attention avec cette douceur qu’il n’y ait pas de disparition au profit de plantes les plus résistantes, exotiques par exemple. Les techniciens de l’INRA* ont trouvé une pomme sauvage, la Chanteclerc. Avec ses gênes, ils ont pu rendre plus résistante une variété de pommes ce qui économise 40% des traitements chimiques… Préserver cette biodiversité, c’est essentiel.
- Votre position sur les OGM ?
M.L. : Je n’y suis pas très favorable. On joue aux apprentis-sorciers. Les organismes officiels tirent des conclusions contradictoires. Il convient donc d’être prudents. Je ne suis pas loin de penser comme José Bové mais avec plus de modération. Lui est paysan, moi jardinier, c’est une différence importante. Je ne dépends pas de firmes comme Monsanto dont l’intérêt est de vendre des semences chaque année à grande échelle. Je cherche les produits les plus naturels comme le savon de Marseille pour empêcher certains parasites plutôt que des produits chimiques. Les larves de coccinelle éliminent les pucerons en en mangeant entre 60 et 80 par jour…
- Êtes-vous plutôt optimiste pour l’évolution de la situation ?
M.L. : Un jardinier est d’abord quelqu’un de prudent et qui tire des observations de la nature et des anciens. D’où mes chroniques sur les dictons. Aujourd’hui il fait du vent d’est pour les Rameaux. Ce sera le vent dominant pour le reste de l’année…
Interview : Maître Renard
*INRA : Institut National de la Recherche Agronomique