L’Écho des Maux
ou l’écriture comme exutoire, moyen de survie et thérapie.
Je m’appelle Christophe Ancelin. Je suis né le 24 décembre 1975 à Paris XIVe. J’ai passé mon enfance dans les Hauts-de-Seine, d’abord à Meudon, de 1975 à 1978, puis à Châtenay-Malabry de 1978 à 1989. Je suis allé en primaire à l’école Thomas Mazaryk.
Pendant l’année scolaire 87 – 88, j’étais scolarisé en classe de cinquième au collège privé Sophie Barat (Châtenay-Malabry), à la limite de la commune et de Plessis-Robinson (Essonne). Je rentrais tous les midis chez mes parents pour manger. Soit en bus, que je devais prendre au niveau de la N186 (carrefour Salvador Allende), soit à pied en coupant par la forêt domaniale de Verrières, le long de la route de la bordure des Bois.
L’Écho des Maux, genèse
Un jour j’ai voulu rentrer plus vite, partant de la rue Jean-Baptiste Clément. Et au lieu de descendre à pied l’avenue Roger qui passe devant la faculté de médecine (ou de pharmacie, aujourd’hui un hôpital de jour, je crois) pour prendre le bus, j’ai fait du stop. A l’époque, l’embranchement sur le périphérique de l’Ile-de-France n’existait pas. Et il n’y avait aucun commerce près du pont et le long de la rue.
Ce jour-là donc, un homme s’est arrêté. Il avait quarante ou cinquante ans, était bien portant, et parlait avec un accent. Il était au volant d’un coupé, de type japonais et de couleur bordeaux, avec des phares rétractables. Je lui ai demandé de me déposer au niveau du Rex, un cinéma proche de mon domicile. Mais arrivé à hauteur sur l’avenue de la Division Leclerc, il m’a dit qu’il ne s’arrêterait que s’il me faisait une fellation et que je faisais de même.
L’école catholique n’a rien voulu savoir
Sous le coup de la peur et sans savoir réellement ce que cela signifiait (j’avais onze ans), j’ai accepté et il s’est garé plus loin. Il m’a fait une fellation. J’étais incapable de bouger, malgré l’envie d’ouvrir la portière et de m’enfuir ; j’étais traversé par des sentiments confus et contradictoires : terreur, plaisir, dégoût, honte.
Ensuite je l’ai masturbé, étant incapable de faire plus ; il s’est essuyé dans un chiffon et m’a dit qu’on se reverrait. Et effectivement, régulièrement et jusqu’à la fin de ma quatrième en juin 1989, j’ai revu ce pédophile presque tous les midis, toujours le même rituel fellation-masturbation, et la même peur à l’idée de ce qui pourrait m’arriver si je ne montais pas dans cette voiture.
La dernière fois que l’on s’est vu (mai-juin 89), il m’a déposé devant chez mes parents. Il savait qu’on ne se reverrait plus car j’avais précisé que nous déménagions. Tout au long de cette époque, il a acheté mon silence par de menus cadeaux. Mais il a surtout entretenu ma culpabilité, prétextant que cette relation était un secret, que je ne devais en parler à personne, etc. Toutes choses qu’à l’âge que j’avais, je prenais pour argent comptant.
L’Écho des Maux, ou l’écriture comme exutoire
Arrivé en Eure-et-Loir pour ma troisième, au collège Louis Pergaud de Courville-sur-Eure, en octobre 89, je me suis d’abord fait appeler Christopher (à la mairie, au collège, au lycée, dans mes premiers emplois), pensant ainsi me débarrasser de cette image de moi-même qui me révulsais, mais en gardant le silence sur les véritables causes de cette schizophrénie naissante.
La première fois que j’ai vraiment parlé ouvertement de mon histoire, j’avais vingt ans (début 1996). C’était à ma compagne de l’époque et j’étais parti de chez mes parents, quelques mois plus tôt. En 1998, j’ai voulu déposer une première plainte auprès de la gendarmerie de Mauguio (Hérault) où je résidais à l’époque. N’ayant que quelques souvenirs et aucune preuve matérielle, on me conseilla de revenir avec plus d’éléments. C’est à cette époque que mes parents ont appris par téléphone la vérité sur cette période de ma vie.
La résilience comme seule échappatoire
S’en est suivi une double déception et le sentiment d’être refoulé, incompris, voire taxé de mythomane. En tout cas seul avec mon passé et mon sort. Revenu en 1999 sur Chartres, j’ai emménagé à Lucé, à l’adresse où je réside aujourd’hui. Après un deuxième revers, dans ma tentative de faire appel à la justice en 2000, j’ai consulté divers thérapeutes. J’ai alors rencontré des psychologues, des psychiatres, abandonnant au bout de quelques séances car ne trouvant pas de réponses à mes questions et mes doutes.
Ma plainte a finalement été enregistrée le 16 septembre 2003. Quelques semaines seulement avant la date limite fixée à l’époque à dix ans après la majorité. Elle a été classée sans suite au bout de quelques mois. J’ai rencontré en vain un avocat spécialisé au pénal sur Nanterre pour m’assister. Aujourd’hui j’envisage de porter plainte contre le groupe scolaire Sophie Barat, pour non-assistance à personne en danger. Peut-être ma seule chance afin de relancer le dossier. Mais si je trouve « mon » pédophile avant la justice, une chose est sûre, je le tuerai…
Posté initialement par Christophe Ancelin sur Pétale de Vent.