Nouvelles mystérieuses de la cathédrale de Chartres (14) : Le sourire de la reine de Saba

Les Nouvelles Mystérieuses de la Cathédrale de Chartres

Nous avons déjà par­lé de la reine de Saba dans la nou­velle « Black in black ». Cette reine légendaire n’a pas qu’une autre représen­ta­tion stat­u­aire sur le por­tail Nord. Elle trône aus­si, que dis-je, elle illu­mine la Por­tail Royal.

Le sourire de la Reine de Saba
Le sourire de la Reine de Saba

C’est elle en effet que l’on voit sourire sur la droite de la porte cen­trale. Elle fait par­tie d’un ensem­ble de qua­tre stat­ues nim­bées, encadrée de deux rois couron­nés aux vis­ages iden­tiques avec leurs longues chevelures, leurs barbes et leurs mous­tach­es ondulantes.

Ce qu’il y a d’admirable pour ces qua­tre corps longilignes, c’est qu’ils déga­gent une impres­sion incom­pa­ra­ble de sérénité, un rien exo­tique, d’une zéni­tude ray­on­nante qui se des­sine dans leurs si doux sourires.

Cha­cun con­naît deux autres représen­ta­tions de sourires mer­veilleux : celle de l’ange de la cathé­drale de Reims, plus épanoui, et celle de Mona Lisa, indéfiniss­able, de la Joconde de Léonard de Vinci.

Ces sourires sont des sum­mums de l’expression de l’âme humaine, une grâce, une quié­tude, une bien­veil­lance qui transperce ou plutôt qui le fait fon­dre de bonheur.

Observez-bien les dix-neuf stat­ues colonnes qui enca­drent les trois portes du por­tail occi­den­tal : ces qua­tre-là se dis­tinguent par ce sourire un rien énig­ma­tique. Les autres fig­ures féminines n’atteignent pas la même pléni­tude, la même per­fec­tion et une ou deux d’entre elles ont même l’air un peu rabougri, pour une élé­men­taire ques­tion de proportions.

L’exotisme du sourire, dont cer­tains pensent poé­tique­ment qu’il reflète le bien-être du roy­aume éter­nel, a deux caus­es objec­tives : la couleur ocre de la pierre, chaude, qui con­traste avec la blancheur nacrée de celle de Berchères d’une part et, d’autre part, la sou­p­lesse des drapés et la présence de cer­tains acces­soires comme une branche de palmi­er. La reine de Saba elle-même a en main — même si elles ont dis­paru — une fleur qui n’existe pas sous nos latitudes.

Le sourire de la reine de Saba

Comme les vête­ments ne sont pas ceux portés au XII­Ie siè­cle, on peut en déduire que les artistes ont représen­té ces rois et ces reines de l’Ancien Tes­ta­ment avec les tenues qu’ils imag­i­naient qu’ils por­taient à l’époque. À moins que les sculp­teurs vien­nent eux-mêmes du Moyen-Ori­ent ou qu’ils y avaient voy­agé à l’occasion d’une croisade par exemple.

Quant à l’admirable sourire de ces qua­tre per­son­nages, l’explication est on ne peut plus sim­ple. Toutes les sculp­tures avaient, à l’origine, la même expres­sion d’impassibilité, hiéra­tique, d’apaisement divin. La reine de Saba était donc elle-même sérieuse, tout comme ses voisins immédiats.

Mais, une nuit, un voyageur étrange­ment accou­tré, tout de noir vêtu, s’approcha du porche roy­al. Il s’agenouilla et se mit à prier longue­ment, inten­sé­ment. Lorsqu’il se rel­e­va, il croisa le regard lap­idaire de la reine légendaire. Celle-ci avait immé­di­ate­ment sen­ti une présence famil­ière, celle de son dou­ble au mas­culin. Elle avait immé­di­ate­ment dev­iné que cet incon­nu lui était cher.

Cet être de chair n’était autre que la réin­car­na­tion du sage roi Salomon. Alors elle sourit de voir l’homme qu’elle avait tou­jours respec­té et aimé. Ses voisins, com­plices, ne purent s’empêcher, à leur tour, de partager cette sym­pa­thie communicative.

Depuis lors, leur sourire éter­nel accueille les pas­sants, les vis­i­teurs, les pèlerins, les fidèles et les croy­ants et tous ceux pour qui le sourire est un cadeau céleste, celui des anges, des poètes et de ceux qui croient aux monts et aux merveilles.

Illus­tra­tion : Le sourire de la Reine de Saba, Maître Renard (2008).


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