Une cathédrale, c’est au moins autant un problème mystique qu’un problème économique. Certes la foi soulève des montagnes mais, sans de généreux donateurs, elle n’aurait pas empilé les pierres de Berchères !
C’est la générosité des fidèles qui a fait des merveilles pour Notre-Dame de Chartres comme pour tous les édifices religieux. Un récit latin du début du XIIIe siècle retrouvé à la bibliothèque vaticane a décrit les miracles qui ont établi la réputation du sanctuaire, bien au-delà des frontières qui attirèrent les pèlerins des quatre coins de l’Europe au pied de la Vierge chartraine.
Ces fidèles ont traîné de pleins chariots, non seulement de pierres destinées à la construction de l’édifice, mais également de dons de toutes sortes à commencer par de purs joyaux pour finir par les vivres destinées aux ouvriers du chantier, ainsi qu’en témoigne un vitrail de l’époque, celui consacré aux Miracles de Notre-Dame, à gauche de la chapelle Vendôme, sur le bas côté sud.
Papes et rois vinrent à Chartres et certains n’ont pas hésité à ouvrir les cordons de leurs bourses : Blanche de Castille et Saint-Louis ont offert la rose nord, Henri III a fait plus de vingt séjours dans la cité et Henri IV a trouvé pratique de s’y faire couronner. Chartres valait bien une messe.
La plupart des vitraux ont été sponsorisés par des particuliers et des corporations. Ils sont en général représentés dans le premier vitrail, celui du bas, comme une signature : les bouchers ont payé les Miracles de Notre-Dame, les marchands de poissons l’histoire de Saint-Antoine et de Saint-Paul l’ermite, les vignerons les vignes du zodiaque et les travaux des mois. Les maçons, les boulangers, les marchands de fourrures et les drapiers, tout comme les cordonniers, les charpentiers, menuisiers, charrons et tonneliers n’ont pas voulu être en reste.
Donateurs
Le comte Thibault de Champagne, tout comme Étienne Chardonel pour l’histoire de Saint-Nicolas ou Geoffrey Chardonel pour Saint-Germain d’Auxerre ou encore Pierre Maclerc, sa femme et ses enfants sont ainsi représentés pour avoir dûment contribué par leurs écus à payer ces verrières admirées depuis des siècles. Cette générosité n’était pas tout à fait désintéressée, pas plus que celles de sociétés aujourd’hui comme EDF-GDF qui offre un siège épiscopal en métal argenté : quelle publicité !
Ne nous leurrons pas : il n’y a guère de différence entre l’évêque et l’homme sandwich d’autrefois ou un quelconque footballeur portant le maillot d’un site de paris en ligne ou d’une compagnie d’aviation exotique.
Mais surtout, malgré son prêchi-prêcha moralisateur, l’Église a toujours encouragé le vice : on a longtemps acheté des indulgences. En clair, on pouvait racheter ses pêchés ou s’offrir une place de Paradis à crédit grâce à des dons en nature ou en espèces sonnantes et trébuchantes à la Sainte Mère l’Église. Allez savoir pourquoi, seuls les riches, ceux qui, dit-on, auront plus de mal à entrer au paradis qu’à passer par le chas d’une aiguille, pouvaient se permettre un tel rachat. La cupidité comme l’avarice sont de vilains défauts. Alors comment croire à l’infaillibilité de l’Église ? Donne et tu recevras : à vous l’honneur, Messieurs les Ecclésiastiques…
Illustration : Cathédrale de Chartres (1830), par Jean-Baptiste Camille Corot (1796 – 1875), inventaire du Musée du Louvre.