« Pour faire de la poésie sans en avoir l’air… », poème issu d’un cours sur les ateliers d’écriture.
Pour faire de la poésie sans en avoir l’air…
Écrire d’abord quelques mots
quelques phrases, quelques sons
sur une feuilleLa découper ensuite
en tout petits morceaux
et mélanger les lettresÉcrire en gros caractères
puis écrire plus petitRetourner les U
dédoubler les V
s’essayer à l’allemand
prendre un B pour un V
prendre un M pour un T
et pourquoi pas au russe
mais traduireQuand ils sont bien mélangés
replacer les mots
un à un
sur la feuille
et souffler dessusSi les mots restent collés
c’est qu’ils s’y sentent bien
mais s’ils s’envolent
laissez-les s’échapperEt puis attendre un peu
que les autres s’apprivoisent
que certains s’acoquinent
qu’un ou deux se marient
ou qu’ils nous fassent une rime
avant de composerPour faire de la poésie
sans en avoir l’air
enlever tous les I
raturer tous les R
barrer d’un trait rageur
et chiffonnez le papier
et puis recommencerD’abord quelques mots
quelques maux ou même l’ire
parfois on ne peut dire
mais on peut écrire
quelques phrases, quelques sonsPar magie la ligne chante
elle ondule, fait des vaguesLa maîtriser
y mettre un point
quelques virgules, quelques guillemetsMettre en retrait
sauter une ligne
changer de feuille
changer de sujetNe pas utiliser de lettres
mais que des numéros
qui a dit qu’en poésie
ce n’était pas des motsNuméroter ainsi
un, deux, trois versPour faire de la poésie
sans en avoir l’air
se suffire d’une musique
d’un nuage, un mirage
un rêve, une penséeÉcrire pour oublier
et se souvenir de tout.
« Pour faire de la poésie sans en avoir l’air… », par Christophe Ancelin.