En novembre 1757, après trois jours et trois nuits particulièrement brumeux, on trouva à l’entrée de l’Arsenal les corps atrocement déchiquetés de deux marins, un Turc et un Maltais. Tous deux avaient débarqué de deux bâtiments différents, de provenance et de destinations diverses et a priori ne pouvaient se connaître.
Les postes de garde n’avaient rien noté de suspect, le brouillard n’ayant guère permis de noter grand chose… Cependant, l’état des corps des victimes ne lassait pas d’étonner avec de larges griffures, comme dépecées par quelque bête sauvage.
Sous les griffes du Lion
On enquêta pour vérifier qu’aucun animal ne s’était échappé d’un zoo ou d’une ménagerie, voire d’un cirque ambulant : en vain. Une rumeur commença à enfler : les mutilations étaient dues aux lions de pierre stationnés à l’entrée de l’Arsenal. Par quelque maléfice, un mage ou un sorcier avait redonné vie à ces monstres de marbre et lâché ces fauves sanguinaires au hasard, profitant du brouillard.
En ces temps de crédulité et d’absence de police scientifique, il fallut aussi faire taire la rumeur. On vérifia que les lions n’étaient pas creux. Ils ne l’étaient pas. Mais, surprise, des lambeaux de chair humaine appartenant aux victimes furent trouvés à proximité et des traces de sang séché brunissaient les pattes de pierre de deux des quatre statues.
La rumeur ne fit qu’amplifier. Les autorités étaient dans l’embarras. Elles envisagèrent d’arrêter les lions ou tout du moins de les déplacer. Elles hésitèrent à donner dans le ridicule. Or, moins d’une semaine plus tard, on retrouva un nouveau corps déchiqueté après une nouvelle tempête.
« Sous les griffes du Lion (1re partie) », sixième épisode des Nouvelles vénitiennes de Maître Renard.
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